Le retour du mot Rafle : un mot qui dit bien la déshumanisation
Le président de la Ligue des droits de l'homme considère que "il y a un moment où il faut nommer les choses pour ce qu'elles sont." N’en déplaise à la droite nationaliste qui nous gouverne qui a du mal à accepter d’être mise face à la réalité de ses actes.
Des associations de soutien aux sans-papiers n'hésitent plus à utiliser le mot "rafle" pour dénoncer les opérations policières dans les quartiers à forte concentration étrangère, à la sortie des métros, sur les lieux de rendez-vous ou bars fréquentés par des immigrés. Désignation d'individus indésirables, convocations-pièges dans les préfectures, interpellations à domicile : pour l'anthropologue Emmanuel Terray, il n'y a certes pas déportation vers les camps de la mort comme en 1942, mais "si l'on regarde l'attitude de la police française, les similitudes apparaissent."
Pour l'historien spécialiste du fascisme, Pierre Milza, "il n'est pas abusif de parler de rafle", mais la rafle du Vel'd'Hiv' a condamné le mot. (...) Il ne peut être aujourd'hui utilisé qu'avec beaucoup de parcimonie." S'ils affirment utiliser, les associations et comités de soutien aux sans-papiers se défendent de tout parallèle avec les finalités politiques des années 1940. "Il faut raison garder et ne pas abuser des parallèles historiques", reconnaît le président de la Ligue des droits de l'homme.
Le député Etienne Pinte (UMP, Yvelines) ne s'est jamais privé de dénoncer ouvertement la "déshumanisation" du traitement des migrants, allant jusqu'à parler de "chasse à l'homme". Mais pour lui, le mot rafle relève de l'interdit. "Pendant la guerre nous étions dans un contexte de délation, de Shoah. Cela n'avait rien à voir, insiste-t-il, avec la chasse à l'homme à laquelle on assiste aujourd'hui pour que les préfets puissent remplir leurs quotas" d'expulsions.
Le mot "rafle", a une double définition moderne : "Arrestation
massive opérée à l'improviste par la police dans un lieu suspect" et "arrestation
massive de civils préalablement réunis afin de les interner, de les
déporter", avec pour exemple "la rafle du Vel'd'Hiv'" de 1942.
Ce que le gouvernement fait aujourd’hui est bien entre ces
deux notions :
- souvent avant de renvoyer les étrangers chez eux on les regroupe dans des zones dites d’attente ou dans des centres administratifs de rétention ;
- expulser et déporter sont synonymes.
Aussi, d’un point vu linguistique l’utilisation du mot est parfaitement adaptée. Par ailleurs, même si la finalité est différente des rafles de la seconde guerre mondiale, nous sommes aujourd'hui face à des comportements inhumains qui poussent les victimes à des actes de désespoir extrême* comme les faits divers fréquents le montre. Il est donc légitime d’utiliser le mot aujourd’hui et le principe de parcimonie est bien respecté.
Voir "Sans-papiers : des défenestrations plus ou moins télégéniques" sur @rrêt Sur Images